Uffie : Internet ou réalité ?

Uffie-peasy

 

Uffie a une carrière. Et un CD à son actif, mis en musique par quelques producteurs triés sur le volet dont les compétences ne sont plus à prouver : Mirwais, Mr. Oizo, Feadz et SebastiAn. Une sélection impeccable pour un disque électro-pop divertissant.

On pourrait retenir d’Uffie son joli minois et ses photos en petite culotte que Google répertoriera en quelques centièmes de seconde. Des positions lascives, des gens connus, des pupilles dilatées, des narines encombrées, des tee-shirts humides, ça semble être le quotidien de la chanteuse. Véritable sex-symbol moderne, aussi impalpable que virtuel, Uffie a su devenir en quelques années un phénomène musical, celui que l’on adule parce que tout le monde l’aime, celui que l’on déteste à cause d’un parcours éclair, illégitime, arbitraire.

 

Pourtant, c’est le facteur chance qui est à considérer dans cette histoire. Poussée à chantonner par son petit copain de l’époque, Feadz [Maelström numéro 1 – ndlr], elle enregistre Pop the Glock, single ultra efficace et synthétique, un son nouveau, une ritournelle impeccable, un hit en puissance, avec un Oizo dans le coin. Uffie est née. Et si la sauce prend, ce n’est pas grâce à MySpace, ni aux adds sur les sites communautaires. Uffie se prend au jeu, se fait connaître, fédère : les filles de 16 piges fluorescentes en mal d’idéologie se sentent concernées, les quarantenaires de la hype parisienne voient en elle une nouvelle égérie, et un joli petit lot.

Elle se retrouve dans les clubs, à chanter, mal, avec un son pourri, tard le soir, tôt le matin. Elle arpente Paris et ses pistes de danse, se délocalise, va en Amérique, en Australie. Elle rencontre et pactise, fait du réseau, s’entoure, s’exporte, se lie et se délie, son talent est ailleurs. Ses apparitions discographiques sont rares, mais des MP3 circulent sur le Net, une musique calibrée et cadencée, qui est vulgairement qualifiée d’« énergique ». Souvent, c’est le couple Oizo-Feadz qui est à la production, un mélange subtil de mégalomanie et de finesse absconse, une alchimie qui fonctionne, où l’accident laisse libre cours à la création.

Le rythme devient effréné, Uffie est partout, sur tous les écrans d’ordinateur portable, dans tous les iPod, c’est la mondialisation. Les forums pullulent de rumeurs la concernant, on la voit dans les bras d’éphèbes, parfois beaucoup plus vieux qu’elle : elle entame la vingtaine, découvre la vie, les hommes et son pouvoir de séduction. Elle est décriée, illégitime et calomniée, elle a une tête à claques, on a tous envie d’une petite amie aussi délurée, celle que l’on n’assume pas, celle qui nous rend dingues, qui suscite en nous jalousie et violence, qui laisse un goût amer dans la bouche quand elle se barre avec le premier couillon qui lui a fait de l’œil. Les filles sont jalouses, les hommes minaudent, et tout le monde danse sur des rythmes effrénés de musique compressée. Bienvenue dans la « fast life ».

On aurait pu prédire une explosion en vol, ça n’aurait pas été la première. Et lorsque l’on s’y attend le moins, un album est annoncé, des noms circulent, des échantillons sont samplés, puis une lueur d’espoir alimente de nouveau une vive polémique. Uffie a choisi Mirwais pour quelques morceaux. Elle n’a jamais écouté Taxi Girl et les complaintes géniales de Daniel Darc, mais elle s’est déhanchée sur Hollywood de Madonna. Était-ce un signe ?

 

Personne n’y croit vraiment, mais le jour où on se retrouve dans un profond canapé, avec un attaché de presse qui intervient bruyamment au milieu des titres parce qu’il n’a pas envie que votre enregistreur Zoom sauvegarde la séance et que le morceau contenant le sample, non clearé, du Velvet Underground devienne un hit au Kazakhstan, on se dit que la fillette a fait de judicieux choix musicaux. Il faut dire qu’à près de 50 ans, Mirwais est toujours dans la course.

C’est mélodique et touchant, Pharrell débarque sur un couplet, ça sent le sexe et l’ingénuité. La jeune maman assume d’avoir travaillé avec des génies. Celui qui retient particulièrement son attention ? SebastiAn. « He’s super gifted! » « He has the hit factor! » Ne m’en demandez pas plus.

 

Et si elle ne chante pas en français, c’est qu’elle n’a pas eu le temps de perfectionner sa prononciation, parce que des responsabilités nouvelles ont accaparé son temps. Elle écoute Gainsbourg et Booba pour en connaître un peu plus sur les subtilités de la langue de Molière, et devra faire face encore très souvent à l’une des pires choses au monde : aller en club en fin de semaine quand on n’a surtout pas envie d’y aller.

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