PACEWON #2008 #archive

Pacewon

INSIDE & OUTSIDAZ


Connu aussi bien pour ses divagations au sein du groupe Outsidaz (Night Life) que pour ses albums solos (Won, Telepathy…), ce géant du New Jersey se faufile constamment entre mainstream de luxe (au coté de Fugees, Eminem, Redman…) et underground de choc (avec Madlib, Outsidaz…), sans jamais se laisser plier par ces mondes parallèles.

Rencontre avec l’auteur de I Declare War, qui évoque ses embrouilles avec Eminem et également son projet avec Mister Green édité sur Raw Poetics Records. ONE !

 

*Lorsque tu as posé avec les Fugees avec Young Zee et Rah Digga, est-ce que Outsidaz existait ?

Non pas formellement. On traînait ensemble, on rimait ensemble et on se partageait les plans. Donc il y avait déjà l’idée d’être un crew. Young Zee était le plus avancé à cette époque. Il avait un deal qui l’a conduit à faire un album mais il n’est jamais sorti. Il y avait du monde dessus comme KRS-One, Busta Rhymes, Redman… Des morceaux traînent sur Internet.

L’album était vraiment bon, mais tu sais des fois les labels dépensent de l’argent et ils périclitent ou changent de politique et ton disque ne voit jamais le jour.

 

*Tu as posé aussi sur l’album de Redman. Comment ça s’est fait ? C’était une connexion business ?

Non pas du tout. Je connaissais Redman depuis 94, je crois. C’est un mec de chez nous, un mec de Brick City. Ça s’est fait naturellement. C’est la famille New Jersey.

D’ailleurs quelques années après j’ai eu l’occasion de tourner avec Redman et Method. Une grosse tournée. Je garde toujours contact avec Redman, c’est un pilier de New Jeru.

 

*Finalement c’est toi et Rah Digga qui êtes sortis du lot ?

J’ai signé avec Roc-A-Block, et Rah Digga a rencontré Q-Tip qui l’a soutenue et il a appuyé sa signature. Tout ça faisait parti d’un plan. Young Zee, après notre featuring avec les Fugees, devait sortir son solo et ouvrir la porte pour les autres.

Finalement, il en a été autrement et très vite nous avons pensé que nous faire connaître en tant que groupe était une bonne chose. Ça a été un long processus.

 

Pacewon & Eminem« Eminem a juste fait la pute »


*On vous a reproché au début de négliger parfois les beats au profit du rap et punchlines. Tu valides ?

À l’époque j’étais d’accord sur l’idée que Nightlife était vraiment rap, axé flows et rimes. Ce que les gens savent moins c’est que c’est nous qui produisions. L’optique c’était que le beat serve le rap. En fait à l’époque on concevait mal que les rappeurs produisent leur musique, ça s’est démocratisé depuis. On était peut-être trop en avance.

 

*Dans quel état d’esprit tu as travaillé sur Won ?

Je savais qu’il fallait que cet album soit bon. Il fallait qu’il vieillisse bien et que je puisse en être fier, indépendamment des ventes qu’il pouvait faire. En même temps je voulais mettre toutes le chances de mon côté. C’est pour ça que j’ai convié Ski sur plusieurs productions.

Il avait déjà travaillé avec Jay-Z et beaucoup d’autres. Wycleef, je le connaissais bien puisque nous avions collaboré par le passé. Je voulais Kurupt, je suis fan de son travail et je voulais un mec qui parle à la côte Ouest. Eminem devait être de la partie mais ça ne s’est pas fait.

 

 

*Il est dans le clip I declare war ?

Oui heureusement, il me devait bien ça.

 

*Il était dans Outsidaz, et vous aviez déjà travaillé ensemble. Tu peux en dire plus pour le public qui méconnaît cette histoire.

J’ai rencontré Em avant les autre, et j’ai été le premier dans le groupe à avoir collaboré avec lui. On l’a pris avec nous et D12 nous a rejoints. Le problème c’est qu’après avoir signé, il est devenu plus dur à joindre, et il n’a pas renvoyé l’ascenseur.

 

*Tu es en contact avec lui ?

Je ne cherche pas forcément à l’être mais on se croise. On s’appelle avec Bizarre, c’est un bon pote. Proof aussi l’était. J’ai souvent parlé à Bizarre de ce qui m’oppose à Eminem et il comprend mon point de vue.

Ce mec ne nous a jamais aidés, alors qu’on l’a jeté dans le jeu. La première fois que j’ai réalisé qu’il se foutait de notre gueule, c’est quand j’ai compris qu’aucune de ses promesses ne tenait la route. Pourtant il continuait à dire qu’il allait sortir tout le posse Outsidaz sur son label.

Finalement il n’y a eu que quelques morceaux sur des compilations, notamment un titre de Young Zee sur le disque de la bande originale de son film 8 Miles.

Je sais pas si c’est ça que Young Zee attendait. Aujourd’hui, qui sait ce que Young Zee va foutre avec Eminem ? Personne ne capte plus rien à ce bordel. Eminem a juste fait la pute.

 

*Tu es le seul membre de Outsidaz a avoir fait des morceaux où tu t’en prends à Eminem.

D’ailleurs, il ne m’a jamais répondu, même si je sais qu’il a entendu les titres, notamment celui qui a été clippé dans lequel je me fous de sa gueule et je raconte nos expériences respectives.

C’était un gars talentueux, mais je pense qu’une fois arrivé là où il voulait être, il n’en a plus eu rien à foutre des gens qu’ils l’ont aidé, même s’il considérait ces personnes comme des légendes, des héros du rap.

Si les autres ne l’insultent pas, c’est peut-être qu’ils attendent encore quelque chose de lui, ou alors ils n’en ont rien à foutre. Ça ne m intéresse plus trop de toute façon.

 

*Young Zee était annoncé comme signature sur Shady Records ?

Oui, comme Outsidaz, et il ne s’est rien passé ensuite. Ça a traîné et finalement Zee a signé sur Runyan Ave, le label de Kuniva de D12. Après j’ai pas suivi, mais je crois que là-aussi ça a dormi.

 

*Qu’est-ce qui a causé la fin de Outsidaz ?

Nous n’avons jamais splitté parce que nous sommes une famille. Mais faire de la musique à neuf c’est dur parce que tu ne peux pas trouver un label qui peut nourrir neuf bouches.

Après que Ruffnation ait coulé, il fallait se faire une raison, c’était plus simple de continuer chacun en solo. Si on nous propose un budget pour travailler ensemble, nous pourrions faire un nouvel album.

 

« Aujourd’hui le rap devient
un produit de consommation où tout est oublié »

 

*Ton premier disque Won était une réussite. Pourquoi as-tu attendu avant d’attaquer un deuxième album ?

Que ce soit avec Outsidaz ou avec mon premier album, nous avons obtenu des scores très satisfaisants. Nos titres tournaient en radio et les clips jouaient sur BET, mais le label Ruffnation a coulé à ce moment-là, alors qu’il me développait. Ruffnation a été créé avec Ruffhouse, c’était une joint venture entre Warner Bros et Chris Schwartz. Mais ils ont merdé.

Won a bien vendu, puis Columbia [la maison de disques – ndlr] a lâché prise et notre label s’est retrouvé dans une mauvaise situation. On a coulé avec le navire alors que nous commencions à récolter les fruits de ces longues années de labeur.

 

*Dans quel état d’esprit as-tu fait Telepathy ?

J’avais des beats et je produisais pas mal à ce moment-là. Je savais que si je ne faisais rien pour faire avancer ma carrière, rien n’allait s’offrir à moi. Le disque a été mal promotionné mais j’ai pu faire des concerts, tourner et j’ai collaboré avec Morcheeba.

J’ai tourné dans le monde entier avec eux. Ce fut une bonne expérience. Mais l’industrie du disque allait mal. Le disque était mal distribué, beaucoup l’ont téléchargé.

 

*Peux-tu parler de Team Won Inc. ? De quoi parlent les morceaux ?

De l’évolution du rap, de hustlin’, des mauvais rappeurs, et sur les morceaux solos de meufs, de weed. ll y a du storytelling aussi. Ça parle de la vie, du quotidien, des jours fastes et des jours sans.

Le concept c’était de retrouver l’énergie du rap, le plaisir de la rime et de la punchline sans faire dans le politically correct, sans se prendre la tête. Je voulais retrouver un côté crade, spontané donc les morceaux avec Team Won Inc. sont nés comme ça, enregistrés live, sans backs, sans reprises.

Les morceaux solos sont par contre plus travaillés mais toujours avec cette volonté d’aller à l’essentiel. Aujourd’hui le rap devient un produit de consommation où tout s’oublie rapidement. Les rappeurs ne rappent plus, ne racontent rien, s’autocensurent ou font dans la rime gratuite. Avec Team Won y’a pas de superflu.

 

*Tu disais que tu produisais des beats aussi ?

Oui, nous avons toujours produit pour n’attendre après personne car c’est cher et ça aurait pu nous bloquer à nos débuts. Et puis on est jamais mieux servi que par soi-même.

Par la suite, j’ai composé un crew de producteurs du nom de Team Won et nous avons produit Telepathy et Team Won inc. C’est à la fois mon crew de rappeurs et beatmakers, sans être exclusif. J’ai beaucoup bossé avec Ski, mais j’ai voulu faire cet album avec Mr. Green, un très bon beatmaker.

 

*Ski, celui qui a produit Dead Presidents pour Jay-Z ?

Oui, c’est ça. Il a beaucoup bossé avec Jay-Z sur Reasonable Doubt. Il a fait Politics As Usual, In My Lifetime, Who You Wit, Streets Is Watching et pas mal d’autres. Il a produit pour Camp Lo, Krumb Snatcha, Bahamadia, Lil’ Kim, Fat Joe, Foxy Brown… Que du beau monde !

Ski a produit The Rah Rah et Don’t look now pour Outsidaz. C’était une de mes connexions. Quand j’étais sur Roc-A-Bloc, il a produit une dizaine de morceaux de mon solo, notamment I declare War.

 

*Tu avais évolué dans des groupes avant de participer à l’expérience Outsidaz ?

T’essayes des trucs comme tout le monde, mais le vrai groupe sérieux c’était PNS. Il y avait déjà D.U. qui a intégré Outsidaz. On était dans un délire de compétition, de battle, et on a croisé Young Zee. Il voulait insulter tout le monde, il s’en prenait à tous les rappeurs, surtout les new-yorkais.

 

*C’était en quelle année ?

Je sais plus, 90 ou 91 je crois. On était jeunes, des ados, d’ailleurs on était encore au lycée.

 

Propos recueillis par Fred Hanak & Djama Kotva
Team Won et The Only Color That Matters is Green sont sortis sur le label Raw Poetix Records
#ARCHIVE décembre 2008
http://www.datpiff.com/Pacewon-Pacewons-Best-mixtape.13800.html