JERU THE DAMAJA, la conversation #archive

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Dirty rotten scoundrel

 

Une conversation avec Jeru, qui traînait dans un disque dur. Probablement faite il y a une bonne dizaine d’années, au Batofar, avant un très bon concert. Le type arbore un grand sourire, a sûrement enchaîné quelques joints, répond sans conviction, mais ne fait pas preuve d’une mauvaise volonté patente.

Il a sorti deux albums, on le sent pas au top du rap-jeu, mais il se maintient grâce à des performances scéniques exemplaires, et solitaires. Bref, un bon moment avec un mec sympa qui jette un œil sur toutes les filles qui passent.

 

* Qu’est ce qui s’est passé pour toi depuis le sortie de ton deuxième album The Wrath Of The Math ?

J’ai continué à évoluer, je me suis concentré sur des projets personnels, comme mon propre label. J’ai aussi recherché à faire évoluer ma propre démarche artistique.

 

* Tu peux nous parler de ton label ?

Il se nomme Know Savage Records, c’est un tout petit label. On n’a pas d’argent, mais je crois qu’on sort de bons disques. J’espère que ce sera fructueux dans le futur, il faut juste que ça pousse, donc je fais des concerts, je manage le business, et les choses avancent petit à petit.

 

* Pourquoi tu as choisi d’être indépendant ?

Je n’ai pas réellement eu d’autres choix que d’être indépendant, parce que… merde, je n’ai pas eu d’autres choix ! Je souhaite contrôler ma vie, c’est pour cette raison que j’ai choisi l’indépendance. Je pense que c’est une chose naturelle, c’est normal de prétendre à ça.

C’est difficile mais ça permet de t’endurcir, c’est comme un exercice. Ça m’a pris du temps, mais actuellement c’est bon pour moi. Je suis heureux comme ça, et c’est ce qui est important.

 

* Ce serait quoi ton inspiration ?

Inspiration ? juste la vie ! et je crois aussi que le fait de croire en soi est quelque chose de très important pour l’inspiration. C’est grâce à ça que j’avance et que j’arrive à finaliser des projets.

 

* Et qui bosse pour ton label ?

Actuellement juste moi ! et je suis le seul à travailler pour le label ! (Rires.)

 

* Tu crois encore au hip-hop aujourd’hui ?

Le Hip-Hop pue… tout le monde fait la même chose et personne ne tente de trucs nouveaux. C’est pour ça que j’ai choisi l’indépendance, personne ne me dicte ce que j’ai à faire. Si j’ai envie de faire un truc je le fais, si j’aime un truc, je me dis juste : “C’est cool, j’aime ça, je le fais…” C’est le truc le plus facile à faire pour commencer !

 

* Tu apprécies des gens dans ce business ?

Personne, personne et… Personne ! Si, attends, j’aime bien Inspectah Deck du Wu-Tang, il est cool, j’apprécie son style et comment il rap. Je crois que c’est vraiment le meilleur rapper du Wu. Il a des trucs à dire et il le dit avec un certain style… J’aimerais faire un morceau avec lui, ça pourrait être pas mal…

 

* Tu croises encore Afu-Ra ?

Mon fils ?! On ne se côtoie plus vraiment, je ne sais pas trop ce qu’il fait. Je ne peux pas te dire grand chose de son travail. Tu penses quoi de lui…

 

* Il est sympa, mais bon, Afu-Ra c’est surtout estampillé DJ Premier, il manque de présence…

Il n’a pourtant fait qu’un ou deux beats sur son premier album.

 

* Oui, mais on retient surtout Primo. D’ailleurs, il y a des rumeurs disant que tu vas travailler avec lui de nouveau ?

Actuellement, je cherche à faire de nouvelles choses, qui sonnent différemment, un peu comme Michael Jackson lorsqu’il a quitté les Jackson 5. Quelques chose de fresh, c’est ce à quoi doit ressembler la musique, non ? et puis quand tu es MC, ce n’est pas censé être important qui a produit ton son, non ? C’est cool d’avoir de bons beats, et j’aime mes beats.

 

* Dans l’ensemble, c’est un peu sombre…

Oui, mais bon, j’ai mon style, je ne veux pas faire comme les autres. Je veux que l’on dise que Jeru est différent dans ses rimes et dans ses beats. Je déteste faire les mêmes choses encore et encore, it sucks.

 

* La vie est comme ça…

Ouais, mais tu peux évoluer, découvrir de nouveaux trucs, à propos de toi, ou peu importe, en fonction de ce que tu aimes… C’est pour ça que je reste dans un trip créatif…

 

* Sinon, comment se passe la vie new-yorkaise ?

Je suis rarement là-bas, donc je ne peux pas trop te dire, je reste à Brooklyn. Je suis assez casanier, je ne sors pas tant que ça. Je fais un peu d’exercice, je bosse sur ma musique, et je lis. Je ne sais pas trop ce que font les gens ou ce qui se passe. Mais je sais que tout le monde est à fond dans le bling bling.

Je suis un peu un alien dans tout ça ! Mais, car il y a un mais, je travaille chaque jour pour avoir de gros muscles, car je vais être une star de cinéma !

 

* Ah oui ?!

Ouais…

 

* Le prochain Shaft !

Ouais, et genre je m’arracherai le t-shirt dans le film…

 

* Tu es dans un film… ?

Non, mais j’en écris un, donc je fais de la muscu pour qu’il soit produit ! Et là c’est pareil, je fais tout : je réalise, je fais le soundtrack… J’aime travailler et j’aime être incontrôlable, mais les gens n’aiment pas ça, ils préfèrent avoir quelqu’un qui les dirige et leur donne des ordres. Moi, je trouve ça marrant de faire des trucs que les gens ne te croient pas capable de faire… c’est plus drôle !

 

* En gros, tu es la définition vivante de l’Underground !

Ouais ! Tu vois ce qu’est un gorille combattant ? ben, c’est moi ! Je n’ai pas de budget et j’ai des armes pourris, les trucs les plus nuls et obsolètes ! Mais je fais en sorte de faire avancer les choses ! C’est pour ça que j’essaie de lire des bouquins, j’apprends sans cesse sur Protools & Logic, ou à faire des pages internet. J’ai juste besoin d’une caméra et d’un ordinateur pour faire mon film !

 

* C’est quoi le sujet de ton film ?

Tout simplement la vie dans le ghetto, sur la mentalité des gens qui y vivent, sur les choses positives et négatives qui s’y passent. Ce sera un film à message, un peu à la Spike Lee. Sur les choses que l’on voit et que l’on vit. C’est un film qui s’adresse à tout le monde, mais c’est vrai qu’il aura un côté très ghetto, donc forcément ça parlera plus aux Afro-Américains.

Mais si tu vis dans un quartier pourri, n’importe où dans le monde tu seras interpellé par ce film. Je prépare aussi un documentaire sur mon père qui est une sorte de hustler, un mec cool qui connaît plein de trucs… ça aussi, ça risque d’être plutôt marrant !