Digressions avec Bernard au Dalou [1/5]

Bernard Fèvre / Black Devil Disco Club

épisode 01 : variété française, Jarre, quart de ton & Brubeck

LE LABEL ALTER-K RÉÉDITE TROIS ALBUMS CLASSIQUES DE BERNARD FÈVRE / BLACK DEVIL DISCO CLUB, PARUS IL Y A 40 ANS. C’ÉTAIT L’OCCASION DE CROISER DE NOUVEAU CE MUSICIEN À LA SEPTIÈME DÉCENNIE IMMINENTE. SON PARCOURS EST INÉDIT, C’EST UNE BELLE HISTOIRE, DES BELLES HISTOIRES, DES ANECDOTES ET UN POINT DE VUE PERTINENT SUR L’ÉVOLUTION DE LA MUSIQUE DEPUIS CES 50 DERNIÈRES ANNÉES.

UN PREMIER ÉPISODE QUI CONTEXTUALISE, SAUPOUDRÉ DE POP CORN, UN PEU DE COLUCHE, DES TONS ET DES DEMI-TONS, TAKE FIVE DE BRUBECK,
POUR FINIR AVEC DU REGGAE.

 

« À mon époque il y avait Sheila, Claude François, Mike Brant, Adamo et Dalida ; Sont arrivés la pop anglaise et Stevie Wonder, d’ailleurs le fameux Jacky Giordano m’avait offert le 45 tours. Au début des années 70, il y a eu le titre Pop Corn de Jean-Michel Jarre. Et si ça a si bien marché, c’est, je crois, parce qu’il a utilisé une mélodie qui est dans la mémoire collective [il chantonne] ; ce sont les mêmes notes, il a délayé le truc. Ça a été un tube énorme. Ensuite le reggae est arrivé et le rap américain.

 

 

D’ailleurs, je pense qu’avec les rappeurs français, on va revenir à une chanson populaire. Paillarde à la française, pas vulgaire à l’américaine. Récemment, je réécoutais Coluche : il dit peu de gros mots, il n’est jamais vulgaire, pas agressif avec les gens qu’il critique, comme dans le sketch du mec qui fait du stop par exemple.

 

Il est très très classe le Coluche, c’est un mec de banlieue, la banlieue de l’époque. Ça pouvait se frapper, mais ça s’arrêtait au premier sang. J’ai travaillé avec des blousons noir à l’usine, ils participaient à de grosses bagarres le week-end à La Défense, mais jamais de morts ou de blessures, il y avait un coté chevaleresque.

 

tons, demi-tons & quart de tons

 

Ensuite, je crois que la musique s’est standardisée, dans le monde entier. C’est peut-être différent pour le Japon car ils jouent avec des quarts de tons, ils n’ont pas une gamme européenne ; les Arabes, eux, jouent des demi-tons et aussi des quarts de tons.

Dans les années 70, toute la musique se joue sur un ton. Si tu prends les morceaux des Beatles, il y a souvent une note constante avec des harmonies qui vont s’accorder avec cette même note. La note ne sera jamais fausse. Après c’est une question d’oreille, ça frotte ou ça ne frotte pas… C’est pas facile à expliquer, si j’avais un piano je te montrerais.

Dans la musique africaine, ce sont les rythmes qui sont compliqués. Récemment, j’étais chez une amie algérienne qui habite Londres, il y avait une chanteuse du Ghana. Ils font une musique anglo-ghannéene et j’essayais de comprendre les rythmes, c’est vachement compliqué ! Il y a des mesures à sept temps, ensuite quatre temps, c’est des malades de la mesure ! Ça n’est pas que c’est dur à jouer, c’est dur à monter dans la rythmique.

 

Comme le rythme à cinq temps inventé par Dave Brubeck, quand tu l’entends ça ne casse pas, mais ça n’est pas facile à jouer. Tout est basé sur nos deux pieds, d’ailleurs la valse a été une avancée intellectuelle très forte, due à la colonisation, quand les Blancs étaient supérieurs en armes et en écriture de la musique. Ils ont réussi à faire danser les gens avec deux pieds sur trois temps, tu as un pied de trop.

Puis il y a eu révolution du reggae, ça a été un moment fort. Je m’y suis beaucoup intéressé car c’était innovant. – Comment ça se fait que le reggae ait tant innové ? – Parce que c’est des drogués ! »

 

[LA PREMIÈRE RENCONTRE AVEC BERNARD.]