La face B, le rappeur Akhenaton du groupe IAM se délivre en solo

Akhenaton & Philippe, de gauche à droite


Akhenaton est un rappeur marseillais, marié et père de trois enfants. Il a commencé à faire du rap français au milieu des années 80, le rap américain commençait lui aussi à exister. Akhenaton est un pionnier, il a vécu, il vit son rêve, et il a signé avec son groupe, IAM, une jolie page du rap chanté dans la langue de Molière, les intonations méditerranéennes en plus. Il se raconte dans un livre, La Face B.


Le destin de Philippe Fragione est hors du commun. Enfant calme de Marseille et de classe moyenne, aux origines italiennes, il se passionne pour New York et le rap à un âge où l’on s’occupe plus des copains, de son Bmx et des filles. Il découvre la musique, le hip-hop, puis s’en va à l’assaut de La Mecque, la Grosse Pomme. Il a moins de 20 ans, il découvre une ville en pleine effervescence. Il est témoin de l’émergence de la culture hip-hop, et posera un couplet en français sur un morceau des Choice M.C en 1988… Puis vient IAM, les balbutiements, le système D, la cassette Concept, et le premier album De La Planète Mars, qui forgera et viendra asseoir le rap marseillais.

Phil Chill avec les Choice M.C

 

Les anecdotes sont nombreuses, intenses, et Philippe vit sa passion à fond. Il y croit dur comme fer, pourtant il n’y a aucun débouché, le rap français, ça n’existe pas ! Un jour ça paiera. En estime, en francs, puis en euros. Le succès arrive avec le double album Ombre est Lumière, le

premier double CD de l’histoire du rap. Akhenaton devient porte-parole d’un groupe, d’une ville, et aussi d’une jeunesse, celle qui n’a pas droit de cité. Ça ne l’empêche pas de dire quelques conneries, et de les assumer.


Philippe Fragione se raconte, et c’est assez mal écrit. Le point fort de ce livre est l’honnêteté avec laquelle il relate l’histoire d’IAM, les difficultés, les impasses, le groupe, et comment ça se gère, au quotidien, quand le succès et les sous arrivent, quand la motivation n’est pas au rendez-vous… C’est palpable, émouvant, teinté de remords, parfois de regrets. On a droit à quelques faits singuliers, comme les liens qui unissent les rappeurs de Paris, NTM et Assassin, à ceux de la cité phocéenne. Akhenaton revient aussi sur les samples de certains morceaux de la k7 Concept qui ont été utilisés par d’autres, plus tard, pour des morceaux qui deviendront classiques.

On a aussi droit à de grands discours sur les maisons de disques, et comment elles ont plombé une industrie, mais Philippe avoue, à demi mot, que lorsque ces mêmes gens de maisons disques n’ont plus eu de rôle et de point de vue sur IAM, ça a été la sérieuse débandade, ce qui a donné deux albums inécoutables, chiants et fades : Revoir un Printemps et Saison 5. Akhenaton rend à César ce qui appartient à César. On sera étonné de la sincérité avec laquelle il se confie concernant sa relation avec Aïcha, la jeune femme au fond du bus dans le clip du Mia – réalisé par Michel Gondry –, avec qui il vit depuis près de 20 ans. Elle balise son parcours, et soutient son artiste de mari, surtout quand il est au bout du rouleau, déprimé et assaillit de doutes.


Le point – très – faible, c’est que ce bouquin est entrecoupé de points de vue de Philippe sur le Monde, la France, dont on se serait bien passé. Ses réflexions sur la vie, la politique ou le quotidien sont à l’image de l’homme qu’il a pu être sur les plateaux télé : démagogiques. Et c’est dommage.


L’anti-sarkozysme primaire et la morale bien pensante dont il fait preuve sont insupportables, et le discours : le rap c’était mieux avant, ça fait quand même chier de la part d’un mec qui a signé l’un des plus beaux albums de rap français, Métèque & Mat. Sans parler de son réquisitoire contre le cinéma, et autres cinéastes aux films confidentiels, un réquisitoire indélicat et injuste dans la bouche d’un homme qui semble cultivé, et dont l’œuvre n’est pas dénuée de passion.

Phil pas Chill avec iLL des X-MEN

 

Nous (ceux qui aiment le rap et moi), on aime quand il se souvient de la fois où il est avec Pasqua dans un ascenseur, et on aurait aimé qu’il nous donne son point de vu sur le jour où il s’est retrouvé à faire des freestyles à la radio Générations 88.2 avec les X-Men et autres membres de Time Bomb, ce fameux jour où, selon la rumeur, il avait des perles de sueur au niveau du front en écoutant iLL ouvrir un nouveau chapitre du rap hexagonal.