Adam Kesher_update

Adam Kesher _ Hour of the wolf, le premier single issu de leur nouvel album.

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Le 24 janvier 1975, l’illustrissime pianiste Keith Jarrett est à Cologne en Allemagne pour un concert. Keith Jarrett a une réputation sulfureuse, et l’humeur changeante, caprices de star et autres desiderata ubuesques alimentent les colonnes des journaux les plus sérieux. Bref, ce soir-là le piano ne lui convient pas, il n’a pas digéré les saucisses de Francfort du repas de midi, monsieur Jarrett n’est donc pas dans son assiette, le public attend.

Soudain, par provocation, ou illuminé par un éclair de génie, ses doigts se posent délicatement sur les touches noires et blanches du médiocre Bösendorfer : Sol-Ré-Do-Sol-La. Le thème est lancé, il n’est pas anodin, c’est la sonnerie qui annonce le début d’un spectacle dans cet opéra. Les doigts sillonnent et improvisent, le sieur est en roue libre, et pendant plus d’une heure il va façonner son oeuvre majeure, l’un des plus important récital de piano du 20ème siècle. Un point de rupture.

Obscure Disorder Lyrically Exposed part. 02

En 1997, un jeune producteur de hip-hop, québécois, David Macklovitch, tombe nez à nez avec un vinyle orné d’une photographie en noir & blanc d’un type qui semble très concentré sur son Bösendorfer. Les cinq première notes le rendent perplexe, il les enregistre, les accélère quelque peu, les met en boucle, ajoute un beat, une basse, ses potes de son groupe, Obscure Disorder, écrivent chacun leur mesure, puis David demande à son petit frère Alain d’y apposer quelques scratchs : Lyrically Exposed part. 02 était né.

Un tube de rap underground qui a marqué les esprits. Ah oui, David est aussi Dave One pour les initiés, et il est une moitié de Chromeo aujourd’hui, quant à Alain, il officie sous le nom de Atrak.

En 2005, et pour faire vite, Matthieu et Greg fondent un petit label qui s’appelle Disque Primeur, ils sortent des disques de Cuizinier, Dabazz et des étonnantes mixations/mash-ups de Drixxxé de Triptik ; ils ouvrent leur spectre au rock hybride, se connecte avec Fancy de Montreuil et Adam Kesher de Bordeaux, ces derniers signeront plusieurs disques avec les deux compères. Connexion Chronowax (je suppose…), Matthieu croisent Alain, l’emmène à Beaubourg, on se croise ensuite, et ça donne une interview que vous pouvez lire ICI, à l’occasion d’une mixation live pressée sur CD par Disque Primeur.

 

Adam Kesher est sur le point de sortir son deuxième album, c’est prévu pour mai août 2010, et on a déjà un support physique car on connaît des gens qui nous l’ont transmis. Challenging Nature, un titre audacieux, et on retrouve Dave One à la production, le même Dave One qui a samplé quelques années plus tôt Sol-Ré-Do-Sol-La, celui qui a un globe-trotter virtuose des platines en guise de frère, celui qui a des lunettes au côté de P-Thugg dans Chromeo.

Je ne pourrais pas vous expliquer très techniquement son rôle dans ce disque, je pense qu’il y a ajouté une couleur musicale, un zeste de 80’s, amplifié la basse, fait référence à Hall & Oates, et potentiellement transformé certains titres en hits. Un travail de conseils, de doutes, de remise en question, de visionnaire, pour accompagner les petits gars de Bordeaux, dont vous pouvez lire une interview, qui date de 2008,  sur ce même site, ICI.

Challenging Nature, 10 titres pour une durée de trente-cinq minutes et trente-cinq secondes, à mes yeux une durée idéale pour avaler un album le temps d’un trajet en métro, ou avant de se coucher (certaines estiment que l’on peut aller jusqu’à quarante minutes, mais bon…). Un album abouti, digeste, qui sonne parfois très années 80, musicalement et dans le bon sens du terme. Des années 80 à la sauce 2010. Ce n’est ni un album concept ni l’album de la maturité, c’est un album qui fait du bien. Beaucoup d’émotions, un chanteur qui s’affirme, et des mélodies entêtantes, d’une redoutable efficacité.

La fusion des genres est beaucoup plus implicite, plus digérée et plus digeste, là où Adam Kesher avait pu expérimenter par le passé, le groupe donne l’impression d’avoir passé un cap, trouvé une direction. En même temps avec un type comme Dave One, un type qui assume, qui a su faire le grand écart entre les genres, c’est probablement ce qui pouvait arriver de mieux au quintet. Il en résulte un très chouette opus, plutôt désarmant à la première écoute, mais dont on ne se lasse pas, même au bout de trente-cinq fois par jour.

 

 

 

BONUS > Atrak en routine avec Keith Jarrett & Obscure Disorder.

 

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