Syd Matters #interview #archive

La vie rêvée
de Jonathan Morali

 

Cette entrevue date. Elle a été réalisée au moment de la sortie du premier album de Jonathan, la tête pensante de Syd Matters. Après un EP chez Third Sight, il y a eu un engouement pour ce jeune musicien, qui ne s’y attendait pas vraiment. Voici en quelques lignes comment tout a commencé, c’était en 2004.

 

Quand tu as commencé à faire de la musique ton but était d’avoir un groupe et de faire de la scène ?

Ce sont deux plaisirs différents. Évidemment quand j’ai commencé à faire de la musique, le seul truc que je voulais faire, c’était de jouer en live. Quand tu montes des groupes avec des copains, c’est souvent foireux, parce qu’en général tout le monde est là pour rigoler et boire des bières, plus que pour faire de la musique.


Donc j’ai commencé à travailler seul chez moi, et le fait de composer, de penser aux arrangements, c’est un autre plaisir, c’est différent. Ce sont deux choses qui me plaisent autant, et qui sont très différentes.

 

Qui sont les musiciens avec qui tu joues ?

Ce sont des gens que mon label m’a présenté, ce sont des copains de copains. Ce que je ne voulais surtout pas, c’est que l’on me colle des musiciens de studio de 40 ans avec des cadogans… Ils ont demandé à droite à gauche pour récupérer des jeunes gars qui étaient motivés pour faire de la musique. Dès que je les ai rencontrés, ça a de suite collé. Ce sont des mecs qui ont mon expérience, qui sont devenus des bons copains, et ça fait un an que l’on vit ensemble.


Le but était de trouver des gens avec qui humainement je pouvais bien m’entendre, et qui ne soit pas trop des manches non plus ! Ils m’apportent beaucoup de choses, ce qui fait évoluer la musique. Sur scène, ce sont les mêmes chansons que sur l’album, mais exprimées d’une façon un peu différente. Dans le groupe, je chante, je joue du clavier, de la guitare, Jean-Yves est bassiste, Rémi est guitariste-clavier-chœur, Mathieu est aussi guitariste-clavier-chœur et Clément est à la batterie.

 

Tu les diriges ?

Forcément, comme ce sont mes compositions et que j’ai pris l’habitude de tout faire, et de tout jouer. Je n’avais pas de batterie donc c’était des boites à rythme, sinon j’ai joué basse, clavier, guitare, chant, chœur, j’ai tout fait, et j’ai la fâcheuse habitude de tout chapeauter, en même temps.


C’est aussi normal car c’est mon projet, et ils jouent sur mon projet, mais ils sont aussi là pour faire vivre mes chansons. Ils m’ont apporté beaucoup, et je suis ouvert à toutes leurs propositions, je les encourage même à le faire, parce que ce sont des gens qui ont du talent et qui m’apportent énormément.

 

C’est difficile d’être satisfait de gens qui jouent tes compositions ?

Au début, j’avais pris un mauvais départ, car je voulais que l’on refasse l’album sur scène, or ça n’est pas possible. Chacun joue différemment, donc sur scène ça sonne différemment. Les dynamiques que tu peux avoir dans un mix, tu ne peux pas les retrouver en live. Au fur et à mesure de leur investissement, ils m’ont proposé des choses qui ont fait évoluer la musique. Certains titres sont beaucoup plus ambitieux, il y a un gros son et ça s’envole beaucoup plus.


C’est beaucoup moins intimiste que l’album. Quand tu n’es pas très connu, captiver un public avec une guitare sèche, ça n’est pas possible ; on n’a pas encore la bouteille pour ça. On garde l’essentiel des chansons, et on n’a pas peur de bourriner un peu… tranquillement quand même !

 

Comment tu en es venu à la musique ?

Comme la plupart des gens je pense, vers 14/15 ans tu commences à t’intéresser à la musique, tu commences à te forger une culture musicale. J’ai appris à écouter la musique en même temps que j’en ai joué, c’est devenu indissociable. Composer est un bien grand mot, mais quand tu as trois accords et que tu essaies de faire une mélodie, c’est déjà un peu de la composition… Très vite, vers 15/16 ans, j’ai commencé à enregistrer sur un magnéto, c’était il y a 7/8 ans.

 

Comment tu es passé au stade « professionnel » ? Le Ep était ton premier disque ?

Comme je fais tout chez moi, j’ai rapidement pris l’habitude d’enregistrer ce que je faisais sur quatre pistes, et ça t’apprends à maîtriser ta voix, les arrangements… J’ai aussi besoin de limites, de contraintes, qu’elles soient matériel ou de bande, qui font que tu apprends à maîtriser exactement ce que tu as. Tu essaies d’aller au bout des trois conneries que tu as, de ta vielle guitare par exemple. Et il y a trois ans, j’ai pu utiliser un seize pistes numériques, donc j’ai pu faire des démo plus clean, et je les envoyées, un peu au hasard, d’après les conseils d’un copain qui m’avait conseillé de les envoyer à la presse musicale, et pas aux labels, pour éviter que ça finisse sur une pile de CD.


Le magazine Magic a une colonne d’autoproduit, et j’y ai eu une chronique. Des radios m’ont appelé et des labels m’ont contacté pour que je leur envoie ma démo. Ça permet de sortir un petit peu de l’anonymat de passer par un média. Après il y a plein de façons différentes d’entrer dans ce milieux, si on veut entrer dans ce milieux. Les webzines et les magazines qui ont des colonnes qui parlent des autoproductions sont des perles pour les gens comme moi, car ils te permettent une certaine visibilité, ce que demande un label avant de miser sur un artiste.

 

Ça évite aussi au label d’orienter ta musique étant donné que tu arrives avec un produit fini…

Oui, et même si je suis étudiant et que je n’ai pas de thune, je peux faire de la musique tout seul chez moi. On a tous un pote qui a un PC avec Cubase, avec lequel tu peux t’enregistrer. Tu peux faire un produit quasiment fini, sans sortir de ta chambre… donc ça arrange les labels qui n’ont pas de thune.

 

Tu aurais aimé avoir un autre chemin dans la musique ?

Je ne me suis jamais posé la question… C’était un passe-temps, sans aller vers les gens, et finalement ce sont eux qui sont venus, ça c’est fait comme ça. Si j’avais habité une maison avec une cave, j’aurais pu faire des répèt’ en groupe et j’aurais eu un autre chemin, que de travailler dans ma chambre dans le 20ème.


Le contexte joue vachement sur le style de musique que tu fais. Regarde à Versailles, les mecs qui font de la musique ont des Moogs, parce qu’ils font les brocantes, et qu’à Versailles tu y trouves des Moogs à 300 balles ! Pas dans le 20ème ! Les mecs qui habitent Marseille font de la musique festive, du rap… ton contexte forge ta culture musicale et t’oriente.

 

Il y a donc un son 20ème !

Non, justement, il n’y a pas de son 20ème ! Quoique c’est assez reggae !

 

Sinon, tes inspirations, ce que tu aimes, ce que tu écoutes…

Mon premier choc musical a été Nirvana. J’avais 15 ans quand In Utero est sorti, c’est toujours un de mes albums préférés, que je trouve génial. Nirvana a été le premier groupe dont j’ai été fan. Par Nirvana j’ai connu Pixies, et j’ai même écouté Franck Black en solo, car Pixies c’était un peu trop barré pour moi. Après il y a eu les premiers Pink Floyd, que j’ai découvert par l’intermédiaire de copains, au début je n’aimais pas du tout, je trouvais ça pompeux, et en fait les premiers albums sont mortels !


Radiohead, ça a été un choc aussi, c’était un peu plus tard, vers 96, Ok Computer.C’était aussi une étape dans mes influences musicales, et depuis que j’ai 17/18 ans, j’ai tendance à régresser dans le temps, notamment grâce aux MP3 : tu peux écouter plein de trucs, et télécharger des albums que tu n’aurais jamais acheté, de Bowie à Nick Drake, Robert Wyatt, des groupe des années 60/70, des groupes que tu écoutes et tu te rends compte qu’ils avaient tout fait avant nous.

 

Et toi, tu fais quoi comme musique ?

Euhhh… de la chanson folk ambitieuse !

 

Et ça se passe comment ?!

Je n’ai pas de session de composition, je compose tout le temps, chez moi, et quand tu es tout le temps dedans, le seul critère pour te rendre compte que ça n’est pas de la merde, c’est : est-ce que ça fonctionne avec une guitare et la voix ? Si la base est solide, le reste doit mettre en valeur ça, après tu arranges.


La base est folk car j’utilise une guitare folk, et pour les arrangements même si je n’avais pas beaucoup de matériel, je n’avais pas envie de faire du Lo-Fi, car  je n’aime pas que ton matériel dicte le style musical que tu fais. Même si tu as un clavier de merde à 300 balles, avec trois effets à la con tu le fais sonner comme dans une cathédrale. Ça, ça me plait… C’est pour ça que je dis chanson folk ambitieuses !

 

Qu’est-ce que tu as contre le Lo-Fi ?

Je suis un peu remonté contre le Lo-Fi en ce moment, je ne sais pas pourquoi… Il y a plein d’artistes dit Lo-Fi que j’adore, mais à partir du moment où ça devient une espèce de marque, faire du Lo-Fi parce que c’est intègre, je trouve que ce sont des conneries.


Il y a beaucoup de Lo-Fi qui est chiant. Lo-Fi ne veut pas forcément dire intègre pour moi, l’intégrité est autre part que dans le coté cheap. La sincérité peut être très ambitieuse aussi.

 

Tu as d’autres projets musicaux ?

J’ai un autre groupe qui s’appelle Out Ernst, qui est plus rock, plus expérimental et instrumental. Syd Matters reste un projet solo, c’est moi qui compose, c’est moi qui m’exprime vraiment, mais je ne suis pas contre l’idée que ça devienne un collectif ou un groupe à part entière.


C’est ouvert, il ne faut pas se mettre de barrières. Les musiciens avec lesquels je travaille font évoluer ma musique, et en bien, ce sont des gens qui viennent d’horizon différent de moi, d’ailleurs on est tous très différents.


Le batteur a une formation classique, il a joué dans des groupes de jazz, et je crois qu’il a tourné avec un groupe malien, donc il n’a pas de tics de batteur pop, il pense à des choses auxquelles je n’aurais pas pensé. Mon guitariste et mon bassiste écoutent beaucoup de reggae et de ska, Jean-Yves est d’ailleurs chanteur dans un groupe ska qui s’appelle Skalimucho, et il a fait partie de plusieurs groupes punk, comme Skarface.


Il n’y a pas de lien entre le ska et Syd Matters, justement, c’est aussi pour ça que je ne voulais pas de musiciens pop. Ce qui est bien, c’est que ça t’ouvre des univers différents, sans tomber dans la world musique, la musique fusion, ou du jazz funk… je déteste ça ! On garde la personnalité folk, parce que c’est ma sensibilité, mais dans les arrangements ça ouvre des perspectives.

 

Tu peux nous parler de Out Ernst ?

Ça fait trois ans que je joue avec eux, ce sont des potes, il faut que je les cite aussi : Tom au clavier et au chant, Chris à la basse, JB à la batterie, et moi à la guitare, au clavier et un peu de chant.


C’est plus expérimental, et comme ça nous fait chier de chanter, c’est instrumental la plupart du temps, c’est beaucoup plus basé sur l’énergie et la dynamique. Pour le coup, la démarche est totalement différente de Syd Matters, on commence à faire des concerts, des tournées, et ensuite on enregistrera éventuellement une démo.

 

Tu as d’autres projets ?

Syd Matters me prend de plus en plus de temps, et ça va s’accélérer vu les dates de concerts que l’on a… C’est ça qui est bizarre dans ce genre de vie, tu as des phases d’activités intenses, tu fais plein de trucs, tu ne sais plus où donner de la tête, et pendant un mois tu te retrouves chez toi à ne rien faire ! Tu es un peu pris au dépourvu ! Il faut que j’apprenne à gérer tout ça.


C’est un peu fatal, et à mon avis il ne faut pas trop de contraste entre les moments où tu es libre et les tournées. Le tout c’est de bien structurer son emploi du temps.

 

Pourquoi tu as choisi ce nom : Syd Matters ?

Parce qu’il fallait trouver un nom et que Jonathan Morali c’était moins rock & roll que Syd Matters ! Au début, c’était Syd Project, et c’est devenu Syd Matters. C’est une référence, évidemment, à Syd Barrett, mais décidé en trois minutes… ça n’a pas beaucoup d’importance pour moi, il faut juste que ça sonne à peu près.