Mr. Ash, les anecdotes 1/2

« La brocante, c’est un vecteur génial ! Un concurrent passe devant moi et trouve un très bon disque. J’attends, je parle avec la vendeuse, je lui demande si elle a une collection, elle me répond qu’elle a été chanteuse de jazz, pour Francis Lai, qu’elle a fait les refrains d’Un homme et une femme, qu’elle a vécu deux ans avec Henri Salvador et qu’elle a chanté toutes les voix des Coco Girls : ‘Il y en a sept, je les ai toutes faites ! Les filles ne savaient pas chanter. Ils m’ont donné 5 000 francs à l’époque, et pas de Sacem…’ 

Je suis allé chez elle, son fils est zikos, il me vend un peu de rap français. Elle me raconte sa vie, et je lui achète Jean Le Fennec, de la pop psychédélique. C’est un Belge, son disque est une référence qui n’était pas connue il y a dix ans, les paroles sont tarées, c’est culte. Quand tu vois la pochette, tu as envie d’écouter ! (…) »

 

 

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« En brocante, j’ai aussi trouvé le premier 45 tours de Jean-Jacques Goldman, qui est l’un des 100 disques français les plus rares. C’est un disque de gospel qui date de 1965, la pochette est incroyable, ça s’appelle The red mountains gospellers, ça a été fait à Montrouge. Goldman a 16 ans !

Dans le même lot, j’ai trouvé un disque d’un Australien, qui a fait tout seul un album de post-punk-proto-hip-hop, incroyable, Cut Chemist est devenu fou quand il a entendu, et Flash aussi ! Tous les mecs qui font du son et qui ont une sensibilité à la musique moderne sont devenus fous ! »

 

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« Laissez-nous vous embrasser là où vous avez mal, c’est un disque de Québécois qui font du psyché avec de la poésie. Ça raconte des histoire d’indiens, de cul, c’est scato, tu retrouves souvent ça sur les disques canadien et belge, parfois sur les français.

Dans le genre disque fou, il y a Hector Zazou, qui a sorti un disque controversé, musicalement c’est bon, mais les paroles sont abominables ! Des mecs ont voulu le rééditer, mais il n’a pas voulu, ce n’est plus assumé aujourd’hui ce style de musique ! »

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=rxOCgbk_N7c[/youtube]

 

 

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« Un matin, je me dis : ‘Journée commando, je trouve du skeud !’ Je vais dans le 14ème, je fais quatre/cinq vide-greniers, je ne trouve rien. Je continue dans une brocante pourrie, en montée, il est 11h, c’est donc un peu compromis. Je trouve un type qui a quatre bacs. Je fouille, et là, je tombe sur quatre 45 tours très rares de Synchro rhythmic eclectic language. C’est un groupe de quatre jazzmen antillais, j’en avais entendu parlé, je n’avais jamais vu le disque.

C’est un morceau fabuleux, du Sun Ra en plus funky, et le vendeur me dit : ‘Des types sont venus ce matin, avec des platines Fischer Price comme vous, ils ont écouté plein de trucs, et ils n’ont pas trouvé ce disque !’ Soit je suis meilleur qu’eux, soit ils étaient super nuls ! »

 

 

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« Mulatu, tu connais ? Je l’ai découvert avec l’album Wild Cowboys de Sadat X, en 1996. Pendant des années, je cherchais le sample du morceau Wild Cowboys, et un jour je me suis rendu compte que c’était Mulatu. Aujourd’hui, il joue avec Heliocentrics, le groupe de Malcolm Catto, un Anglais ou Américain, collectionneur de disques, une brute à la batterie.

Les albums sont spéciaux, mais les premiers trucs de Mulatu, c’est vraiment la quintessence du jazz. C’est un peu de la fusion, ça sonne latin, oriental, il a crée un truc avec ça. Son premier disque était distribué par Ethiopian Airlines, la compagnie aérienne d’Éthiopie, qui le donnait dans les avions. »

 

 

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« Dans le genre malchance, un mec a chopé trois 45 tours originaux de Mulatu Astakte devant ma gueule. Je venais de regarder les bacs, j’avais oublié de checker une petite valise, le mec l’a fait avant moi. »

 

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« Au niveau international, un mec a mis sur Ebay le premier album du Velvet Underground, avec la banane, sauf que c’était un acétate, avec des versions un tout petit peu différentes. Un acétate, c’est deux plaques de métal qui servent à faire le test pressing. Le Velvet, c’est très collectionné. Ce sont des pièces de collection, ça a plus de 50 ans. Le Velvet, c’est 1965 et c’est culte. Le mec a vendu cet acétate 25 000 dollars, a priori c’est un musée qui aurait acheté.

Il y a aussi un mec qui a trouvé des bandes des Beatles en Australie, mais là c’est carrément allé à Sotheby’s. Personnellement, je cherchais un disque d’Arthur Verocai, un artiste brésilien, j’étais prêt à mettre 800 dollars dedans, ça faisait trois ans qu’il n’y avait pas eu de copies visibles, quand j’en ai vu une, elle était à 5 000 dollars ! J’ai entendu dire que Matt Dillon était un des plus grands collectionneurs de latin-jazz au monde, il a quelqu’un qui achète pour lui, contre un mec comme ça, tu ne peux pas lutter ! »

 

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=8zPRXKXFbro[/youtube]

 

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« En jazz, tu avais des trucs qui partaient très très chers, et les prix ont baissé. En ce moment, c’est Blue Note qui est très en vogue, c’est très recherché, c’est une valeur refuge ! Des disques à 3000 dollars ! C’est un réseau, des mecs en Suisse, et c’est pas facile de rentrer dans ce circuit, il faut montrer patte blanche. »

 

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[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=QqXWFlnxaNk[/youtube]

« Un pote avait trouvé un entrepôt dans le nord de Paris, plein de disques, d’ailleurs, c’est là où Rocé a tourné un clip. Quand on y est allés, on avait des masques et des gants, et nos platines Fisher Price pour écouter, car il y avait plein de références que l’on ne connaissait pas. On a trouvé des 45 tours de Chapeau melon et botte de cuir, et le 45 tours de The Bottle de Gil Scott-Heron, uniquement sorti en France, j’en ai laissé et des mecs me le demande encore. J’ai un pote qui a acheté 25 000 disques là-bas.

C’était une usine géante, un truc de malade, il y a avait encore les machines pour presser des vinyles. J’ai perdu une paire de pompe et le couvercle de ma Fisher Price, des mecs y ont passé des nuits, je crois qu’un mec a essayé de rentrer la nuit, et il s’est cassé le bras en tombant, ça a fait le tour de l’Europe, l’adresse a été vendue à des étrangers, les flics sont venus, c’est parti en vrille ! »

 

DIGGER’S DIGEST